...et le boulot dans tout ça?
...parce que bon, rappelons nous que je suis venue ici pour travailler!
Eh bien, je vais être triste de quitter mes patients d'ici, pour lesquels, aussi, j'ai eu envie de rester plus longtemps.
En effet à Saint-Georges (comme dans toute la Guyane d'ailleurs), il y a un manque cruel de professionnels dans les domaine médical et paramédical (entre autres), ce qui fait que l'on peut être parfois découragé par tout le travail à faire, mais aussi que l'on se sent particulièrement utile.
Pour info, la Guyane compte 230000 habitants et sur les pages jaunes, je n'ai trouvé que 6 orthophonistes!
Pour comparer, à Nancy par exemple, pour 100000 habitants, il y en a 29!
Mes petits patients reflètent bien la population de Saint-Georges: une majorité de brésiliens et amérindiens, quelques créoles, un ou deux noirs marrons et un seul métropolitain!
L'orthophonie, c'est tout nouveau à Saint-Georges. La personne que je remplace a commencé son activité il y a un an. Beaucoup de gens ne savent pas qu'il y a une orthophoniste et bien sûr, les profs ne sont pas habitués à envoyer leurs élèves faire un bilan orthophonique.
L'avantage de St-Georges, c'est que tout est à proximité. Les deux écoles sont justes à côté du centre de santé (dans lequel se trouve mon bureau), donc je vois régulièrement les enseignants puisque je vais chercher certains élèves directement dans leur classe. Et comme c'est tout petit ici, certains profs font du kayak, de la rando ou de la capoeira avec moi... Et puis on se croise à la poste, à la boulagerie! ;)
En Guyane, et particulièrement ici, le rythme est différent et la notion de contrainte temporelle également. Donc aucun stress. On me pose souvent des lapins car les patients ont oublié, ou étaient malades, ou avaient un empêchement, mais ne pensent jamais à me prévenir. De mon côté, je peux être en retard sans risquer de voir une maman regarder sa montre d'un air réprobateur quand je viens chercher son enfant ou manquer un rendez-vous (retard de pirogue ou aventure en taxico...) sans que ce soit un problème: les gens ne s'étonnent pas que je ne sois pas là alors que je leur ai donné rdv et reviennent le lendemain, tout simplement. Nombreux sont ceux qui n'ont pas de téléphone et la tendance ici est de passer plutôt que d'appeler, ce que j'applique d'ailleurs aussi maintenant avec les copains ici!
Je n'ai pas de salle d'attente: les gens attendent dehors (de toute façon il fait trop chaud dans le couloir!) et l'habitude est que les enfants viennent directement frapper à ma porte quand ils arrivent pour que je sache qu'ils sont là (vu que souvent ils arrivent 30mn en avance ou 1h en retard, ou le lendemain...). Mon emploi du temps change au jour le jour et je ne sais jamais le matin qui je vais voir! ;)
La plupart des enfants (et jeunes adultes) que je vois ici sont motivés. Ils viennent volontiers en séance et participent avec enthousiasme. Cependant le niveau scolaire général est assez catastrophique et je vois des enfants de CM2, voire des jeunes collégiens, qui ne savent pas lire du tout. Rappelons qu'à St-Georges, il n'y a pas de RASED (réseau d'aide de l'éducation nationale), ni de CMP (centre médico-psychologique), ni de psychomotricien, ni d'ergothérapeute... Il n'y a pas non plus d'ORL ni d'ophtalmo, il faut aller à Cayenne pour tout ça...
Beaucoup de mes petits patients sont assez inhibés, notamment parmi les amérindiens, pour lesquels il n'est pas habituel de "faire la conversation". De plus, dans la culture palikur, il est malpoli pour un enfant de poser une question à un adulte. Je vous laisse imaginer les conséquences sur l'enseignement et l'adaptation dont les profs doivent faire preuve. Cependant, avec un peu de temps, on arrive à instaurer un climat de confiance et à échanger vraiment, même si assez peu verbalement avec ces enfants si différents de ceux de métropole...